L'Europe et le temps de travail

Publié le par Christophe

Les tenants d'une dérèglementation européenne du temps de travail viennent de connaitre un nouvel échec face au Parlement européen. De quoi méditer d'ici le 7 juin.

 

Depuis mai 2004, la commission européenne s'efforce d'imposer une révision de la directive temps de travail 2003/88/CE du 4 novembre 2003. Ce texte, issu d'une précédente directive de 1993 place l'objectif de protection de la santé des travailleurs au centre de la législation sur le temps de travail, position enrichie et développée par la jurisprudence de la CJCE (Cour de Justice des Communautés Européenne). Deux questions sont au coeur de ce feuilleton de la révision qui dure depuis maintenant cinq ans:

  • L'Opt-Out, c'est à dire la possibilité pour un salarié de renoncer "volontairement" à la limitation du temps de travail à 48 heures par semaine (heures supplémentaires comprises) pour aller jusqu'à 65 heures...
  • L'abandon de la jurisprudence de la CJCE qui assimile les temps de garde ou de veille à du temps de travail effectif.

Le Conseil des ministres européen avait fini par se rallier aux désirs des gouvernements les plus en pointe dans la dérèglementation. Mais le 17 décembre dernier, le Parlement européen refusait de céder sur ces deux points essentiels. Un comité de conciliation entre le Conseil et le Parlement a été mis en place. A une très large majorité (15 contre 5), la délégation du Parlement vient de constater l'impossibilité d'un accord. En attendant de nouvelles propositions de la Commission, la directive actuelle s'applique et surtout la jurisprudence de la CJCE est confortée.
Rappelons qu'elle nous a permis d'obtenir en France des décisions importantes contre le système des équivalences.



Communiqué de presse du Parlement Européen du 29 avril dernier :

Pas d'accord sur la directive temps de travail
  Le Parlement et le Conseil n'ont pas pu parvenir à un compromis sur trois aspects cruciaux de la directive temps de travail: la clause de non participation ou "opt-out", le temps de garde, et la question des contrats multiples. C'est la première fois que des négociations échouent au stade de la conciliation depuis l'entrée en vigueur du Traité  d'Amsterdam qui a significativement étendu la portée de la procédure de codécision.

  Le comité de conciliation, composé du Parlement et du Conseil, a constaté dans la nuit de lundi à mardi qu'il n'était pas possible de parvenir à un accord. Au sein de la délégation du PE, cette décision a été approuvée par une majorité claire de 15 voix pour, 0 contre et 5 abstentions). L'opt-out a été le principal point de blocage.

* Opt-out
"Malheureusement, après cinq ans de négociations, il n'a pas été possible de parvenir à un accord. L'équipe de négociation du PE a fait plusieurs propositions sur l'opt-out pour que cette dérogation devienne exceptionnelle et temporaire. La non-participation ne peut-être éternelle. Du côté du Conseil, toute tentative de mettre fin à cette clause s'est avérée inacceptable", a commenté Mechtild Rothe (PSE, DE), qui menait la délégation du PE.

"C'est très malheureux, Toutefois, un mauvais accord aurait empiré la situation des travailleurs et des médecins en particuliers. Nous gardons une porte ouverte sur l'avenir et espérons trouver une solution avec la nouvelle Commission européenne et le nouveau Parlement", a déclaré le rapporteur du PE, Alejandro Cercas (PSE, ES).

"Malgré tous les efforts du Parlement, cette décision montre clairement qu'une minorité d'Etats membres veut enterrer certaines valeurs fondamentales qui existent depuis les origines du Modèle social européen", a estimé le rapporteur fictif du groupe PPE-DE, Jose Silva Peneda (PT).

"C'est vraiment dommage. J'avais espéré que le Conseil bougerait sur l'opt-out pour mettre fin à cette clause", a commenté Jan Andersson (PSE, SV), Président de la commission de l'emploi et des affaires sociales du PE et membre de l'équipe de négociation.

* Temps de garde et contrats multiples
Selon la jurisprudence de la Cour européenne de justice, le temps de garde doit être considéré comme du temps de travail. Une position défendue par le Parlement européen dans son vote le 17 décembre 2008.

Les députés ont estimé que les propositions de la Commission européenne et du Conseil sur cette question allaient moins loin que les arrêts de la Cour de justice.

Aucun accord substantiel n'a pu être trouvé non plus sur la question des contrats multiples. Pour les travailleurs disposant de plus d'un contrat de travail, les députés ont estimé que le temps de travail devait être calculé par travailleur plutôt que par contrat.

*
Prochaines étapes
C'est la première fois depuis l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam qu'aucun n'accord n'a pu être trouvé dans le cadre d'une procédure de conciliation. Lors de la session plénière de la semaine prochaine, la vice-présidente du PE Mechtild Rothe fera une déclaration à ce sujet qui sera suivie d'un débat (lundi 4 mai).

Puisqu'aucun accord n'a été trouvé sur un nouveau texte, la directive actuelle reste en vigueur, même si la Commission européenne peut faire une nouvelle proposition. Toute nouvelle législation devra tenir compte de la jurisprudence de la Cour de justice sur le temps de garde.

Publié dans Vos droits

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article